Daté du 4 septembre 2010

Je n’ai jamais trop apprécié ce système de se confier à un carnet de papier. On appelle cela un journal intime. Ou encore un confident. Il parait que c’est une sorte d’ami, à qui on pourrait tout confier sur tout. Moi, je n’ai pas vraiment besoin de confident. Ma deuxième moitié, ma conscience, mon souffre-parlotte est ma sœur.

Mais bon, entamons les choses avec l’art et la manière…

Je m’appelle Anastasie Rose Wandern. Caprice de mes parents de nous donner, à mon ainée comme à moi un prénom à rallonge suivit d’un mini prénom. Originalité, quand tu nous tiens... Je crois qu’ils auraient préféré avoir des garçons, qui leur fileraient moins d’ennuis. Alors c’est une sorte de vengeance. Ne nous ont-ils pas déjà dit qu’ils trouvaient le prénom de Luc magnifique ?

Ma passion ? L’écriture. Tout comme le sport défoule le corps, l’écriture défoule l’esprit. J’aime l’un autant que l’autre. Mais surtout, mes parents l’ont trèès bien compris. Je multiplie les inscriptions dans les clubs divers et variés afin qu'il me reste le moins de temps possible au domicile familial et, pour les instants que je suis obligée d’y passer, ils m’ont collé ce truc entre les mains. Pour mes seize ans. Un journal intime. Je dois vraiment vous le décrire ? Rose. Avec un cœur en strass en plein milieu de la couverture. Par… chance ?, ils savent très bien que ce type de déco ne correspond pas plus à mon âge qu’à mes gouts.  Pourquoi alors ce choix ? Parce que mes parents m’a-do-rent. Littéralement. Ou plutôt… humoristiquement. Entre nous, c’est depuis bien longtemps une guerre camouflée qui a été lancée.

Et voilà donc leur solution : me réduire à écrire dans ce carnet immonde. Je les hais. Et je me demande pourquoi je leur fais ce plaisir. Peut être parce que je suis seule à la maison et que je n’ai rien de mieux à foutre ? Non ; je n’ai pas d’excuse…

Ma sœur, Franceska Lily, bien moins de problèmes que moi avec eux. Et pourtant, nous sommes identiques et différentes, complémentaires. Elle est mon point de relais et mon fil de contact avec la famille depuis ma plus tendre enfance. Même caractère pourtant. Elle doit juste être un peu plus habile que moi en relations « familialement correctes »…

Il y a deux ans, Fan est partie en voyage scolaire, son dernier. Deux très longues semaines. Juste insupportables. Je ne pense pas que mes relations résisteraient à la suite d’un éventuel départ définitif de ma sœur. Je ne lui demande plus grand-chose : juste d’attendre mes dix-huit ans. A ma connaissance, elle n’a pas de projet d’emménagement proche.

Alors est-ce égoïste de lui demander deux années supplémentaires, sur les vingt de sa vie qu’elle a déjà écoulé ? Cette question me tracasse. J’aimerais tant qu’elle reste là. Avec moi. Jusqu’à ce que je puisse quitter en paix cet asile où je suis cloîtrée, bien malgré moi…

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